Pas de bis repetita aux 24 Heures du Mans pour Tecmas-MRP BMW Racing Team. L’année dernière, l’écurie berruyère avait frappé un grand coup en s’imposant dans la catégorie Superstock dès sa première sortie officielle. Une victoire historique dans l’une des compétitions d’Endurance les plus prestigieuses. L’objectif était bien évidemment de confirmer cette année. Après des pré-tests officiels prometteurs et avoir constamment pointé tout en haut des feuilles de résultats lors des différentes séances d’essais, la confiance était de mise. Même si Loïc Arbel, victime d’une chute le week-end précédent lors d’essais privés, n’était pas à cent pour cent ; raison pour laquelle Arnaud Sassone avait fait appel à l’Estonien Hannes Soomer, le pilote de réserve de l’écurie sœur BMW-Motorrad d’EWC, pour se couvrir.
Le début de course fut aussi limpide que solide. Après avoir pris un départ prudent, pour éviter les inévitables frottements des premiers tours et une fois ses pneus Dunlop bien en température, Kenny Foray haussa le rythme pour pointer en tête de la catégorie Superstock avant de passer le relais à Soomer. La n°9 resta (presque) toujours en tête de la catégorie Superstock, bien au chaud dans le Top 10 au scratch. Ainsi, au quart de la course, et alors que Loïc Arbel venait d’effectuer son premier relais à la satisfaction générale, la n°9 avait ainsi une minute d’avance sur la Honda n°55 du National Motos. La sérénité était alors de mise dans le stand Tecmas. Jusqu’à ce qu’une grosse chute de Hannes Soomer dans le S Bleu, à 22 h 35 précises ne ruine les espoirs de victoire… On rembobine le film avec Arnaud Sassone.
« Que s’est-il passé sur la chute de Hannes ?
« Il a perdu l’avant à l’entrée du S Bleu, à grande vitesse. On a eu peur et on était tous soulagés quand on l’a vu se relever seul sur les écrans de contrôle. La raison, je ne sais pas. Peut-être un peu d’humidité sur la piste alors que la nuit était tombée. Il était 22h35… Mais Hannes n’a pas fait d’erreur de pilotage. Il était commotionné et malgré ses blessures, il a quand même réussi à ramener la moto au stand. Il a ensuite été dirigé vers le centre médical du circuit où on a diagnostiqué une luxation acromio-claviculaire avec arrachement des ligaments. Pour lui, la course était terminée.
« L’équipe a été formidable ! »
« L’équipe a fait un gros travail pour remettre la moto en état…
« Oui, elle a été formidable. C’est toujours quand on est dans le dur qu’on voit qu’une équipe est bien organisée ; où chacun est à son poste. Les gars se sont montrés très méthodiques. Ils n’ont jamais paniqué et in fine, on a perdu un minimum de temps. Après avoir changé le guidon, la carénage, l’échappement entre autres, quand nous avons repris la piste, nous étions 24e au scratch et 13e en Superstock. La moto était parfaite et les gars ont pu enchainer les relais sans problème
« Au total, le temps de ramener la moto au stand, de procéder aux interventions nécessaires, vous avez tout de même perdu huit tours sur la 55 ; ça n’est pas rien. Vous avez aussi manqué les points offerts au classement intermédiaire, au tiers de la course…
« Et c’est rageant car cela s’est joué pour une poignée de minutes. Mais bon, ce sont les aléas de la course et de l’Endurance. Mais on n’a jamais rien lâché. Les pilotes, l’équipe, on s’est tous immédiatement remobilisés. L’objectif était de remonter rapidement au classement et de terminer pour prendre un maximum de points dans l’optique de la Coupe du monde FIM…
« Sans Hannes Soomer, vous avez aussi dû revoir votre stratégie sur les relais
« Par la force des choses, d’autant que Loïc Arbel n’était pas à cent pour cent. Il a fallu le ménager. Mais comme il se sentait très bien, j’ai pu le faire rouler trois fois, avec des chronos en 1’38’,’ ce qui a permis à Jan (Bühn) et Kenny (Foray) de s’économiser un peu. La nuit a été difficile à cause du froid, d’une piste humide par endroits et donc piégeuse, surtout au petit matin avec la rosée mais les pilotes ont été formidables. Kenny a été vraiment très rapide, plus vite de deux secondes au tour que les meilleures Superstock…
« Si bien qu’aux deux tiers de la course à 7 heures du matin, vous étiez aux portes du Top 10 au scratch et 4e des Superstock, engrangeant au passage 11 points sur le deuxième classement intermédiaire. A cet instant, à la régulière, la 55 et la Honda 41 du team Chromeburner, étaient inaccessibles mais le podium en Superstock semblait jouable…
« Tout à fait. Vu notre rythme en course et notre supériorité lors des arrêts au stand, notamment sur les changements de pneumatiques, on avait calculé qu’aux alentours de 10 h 30, on serait devant la Yamaha 36 alors troisième
Abandon à 9h29 dimanche matin
« Et c’est là que Kenny Foray, alerté par un bruit-moteur anormal, est rentré au stand…
« Il était environ 8h30. Kenny venait de prendre son relais et ça roulait très vite. Kenny est quelqu’un qui est très sensible à l’oreille, qui est très fin dans ses sensations. Alerté par ce bruit anormal, il a décidé de lui-même de rentrer au stand. Après avoir tout ouvert, on a constaté que le bruit venait du haut moteur, de la culasse. On a alors, de façon collégiale, décidé assez rapidement d’arrêter là. J’ai signé la feuille d’abandon très précisément à 9h29’. On n’a pas vraiment encore pu analyser les raisons de ce problème mécanique mais arrêter, c’était une sage décision. Continuer, c’était risquer une casse-moteur et cela aurait pu être dangereux pour nos pilotes mais aussi pour les autres concurrents si on avait laissé de grosses traînées d’huile sur la piste. C’était mieux aussi pour les pilotes qui avaient cravaché toute la nuit. Repartir après une heure d’arrêt, en étant si loin au classement, c’était de la fatigue supplémentaire inutile…
« Pour en revenir à la chute d’Hannes Soomer, a-t-il donné une explication ?
« Il ne sait pas trop… L’important, c’est son état de santé. Il a pu quitter le centre médical du circuit avec son père et nous a rassurés.
« Faut-il alors mettre ça sur son inexpérience puisqu’il découvrait le circuit Bugatti et même l’Endurance ?
« Absolument pas ! Jusqu’à sa chute, il était vraiment bien. Rapide mais pas au-delà de ses possibilités. On n’a rien détecté d’étrange sur les acquisitions de données. D’ailleurs, en expert, Kenny l’a tout de suite adoubé. Peut-être une bande blanche, une plaque humide… D’autres pilotes, autrement plus aguerris à l’Endurance ont également chuté (Di Meglio, De Puniet, Hook, Black, Haneka…)
« Et si cette chute avait quand même eu des conséquences sur la moto ?
« Même si, dans un premier temps, on a pu constater, et j’en veux pour preuve la fantastique remontée de la nuit, que la moto ne semblait pas avoir trop souffert, c’est possible mais il n’y a pas de certitudes.
Trouver un budget pour le Japon
« Avec ce résultat, vous avez grillé un joker dans la conquête de la Coupe du monde FIM d’Endurance.
« C’est vrai. L’objectif, c’est toujours de décrocher la Coupe du monde. Et ça reste jouable. Le nouveau règlement nous maintient dans la course puisque seuls trois résultats sur quatre seront retenus pour le classement final. Quel que soit le résultat aux 8 Heures du Spa les 7 et 8 juin prochain, où l’on espère faire oublier le cauchemar de la saison dernière (abandon avant même la fin du premier relais avec avoir signé la pole-position et le meilleur tour en course), cela va sans doute nous obliger à participer aux 8 Heures de Suzuka au Japon en juillet. D’ores et déjà, on va se mettre en recherche de partenaires pour boucler le budget… Ces 24 Heures du Mans, même si le résultat n’est pas celui escompté, vont aider l’équipe à grandir. Il y a quand même eu du positif. Déjà, on a roulé pendant seize heures, couvrant 589 tours, en étant très compétitifs. On a emmagasiné de l’expérience à tous les niveaux de l’équipe et énormément progressé sur les changements de pneumatiques puisque nous étions, en moyenne, dix secondes plus rapides que les autres Stocks, compensant ainsi une consommation en essence plus importante. Non vraiment, on y croit tous ! En fait, la leçon à retenir, c’est qu’une chute en course, quelle que soit son importance, peut toujours avoir des conséquences sur la durée… »
Texte : Christian Ragot
Photos : SV Agency